Gauche Année Zéro ?

Fidèle de la gauche depuis des décennies, Serge Moati vient de nous livrer un nouveau documentaire sur les coulisses d’une campagne électorale. L’ancien conseiller pour l’audiovisuel de François Mitterrand a cette fois suivi les pas de Fabien, un jeune militant « hamoniste » du 11e arrondissement, ses espoirs, ses déceptions, ses questionnements qui depuis la déroute tourmentent pareillement tous les socialistes, et notamment cette question posée dès le début du film : « Est-ce que c’est François Hollande qui a trahi ses promesses électorales ou est-ce que c’est les frondeurs qui ont trahi François Hollande ? »

Les deux points de vue s’égrènent tout au long du film, principalement défendus par Benoît Hamon pour le premier et Bernard Cazeneuve pour le second, dans une atmosphère délétère de règlements de compte. Car derrière cette première question se profile cette autre interrogation plus fondamentale : « le PS est-il un chantier ou un champ de ruines ? » L’ancien premier ministre s’en amuse à la fin du film : « c’est un chantier si on pense que ça peut se reconstruire, c’est un champ de ruines si on pense que c’est terminé ! Ça dépend de l’optique que l’on a. » (la sienne penchant en l’occurrence pour la première).

Pour départager ces deux analyses, deux observations formulées par le jeune Fabien paraissent déterminantes. La première : « l’image du parti socialiste après cinq ans de gouvernement est abîmée à un point qui dépasse l’entendement ». La seconde : « on était le candidat du bilan de François Hollande. C’est l’imposture fabuleuse de cette campagne, c’est que Macron, qui a inspiré la politique de Hollande, avec une nouvelle étiquette, apparaît comme l’alternance et un homme neuf, et nous qui étions frondeurs, qui nous sommes opposés à cette politique pendant toute la durée du quinquennat, on a porté le poing et la rose et on a perdu avec le poing et la rose ».

Le fait est que ce camarade a pointé lucidement l’extraordinaire paradoxe de la situation, du moins de prime abord, cette « imposture fabuleuse » qui souligne le contraste improbable entre le rejet massif d’un quinquennat décrié, immédiatement suivi d’un engouement tout aussi massif pour un énarque qui en fut notoirement l’un des inspirateurs. Au rebours, toux ceux qui, de l’intérieur, tentèrent d’infléchir cette politique dans un sens qui convenait mieux à l’opinion furent non seulement sévèrement battus, mais finirent contre toute attente à être eux-mêmes assimilés à la politique à laquelle ils s’étaient opposés. On en déduirait presque que les hommes furent totalement invisibles aux yeux d’électeurs aveuglés par les étiquettes, mélangeant allègrement les « bons » et les « mauvais ». Ce n’est en fait pas si simple, nous allons y revenir, mais il est en tout état de cause important de garder cette réalité à l’esprit pour évaluer les arguments des uns et des autres.

Pour commencer, il serait évidemment injuste d’instruire le seul procès de Benoît Hamon sur le terrain de la fidélité au parti. Comme la relevé Serge Moati, l’ex-frondeur paraissait « trop à gauche » pour un appareil plutôt social-démocrate, et la première faute fût sans doute qu’une seule ministre en exercice daigna faire le déplacement au meeting de Bercy. Benoît Hamon a soulevé que le PS n’était pas suffisamment préparé collectivement, se plaignant de devoir lui-même « donner des gages » à untel ou untel. Il faut néanmoins se souvenir aussi, bien que le film ne l’évoque pas, que de nombreux soutiens potentiels s’étaient eux-mêmes à l’époque plaints de la sourde oreille d’un candidat réputé refermé sur son cercle de proches. Qui a tort ? Qui a raison ? Ce qu’on ne saurait contester est qu’un appareil majoritairement social-démocrate derrière un candidat de la ligne alternative, investi contre toute logique aux primaires (ce qui ne peut s’expliquer autrement que par l’ouverture du scrutin), ne pouvait donner une machine électorale en ordre de combat. Et ceci n’est en définitive rien d’autre que la sanction de n’avoir jamais voulu trancher la question « alternance » ou « alternative » qui a empoisonné le PS congrès après congrès, aux seules fins de pérenniser le financement public exsudé par cet attelage boiteux de deux lignes politiques définitivement contradictoires.

Cette question de la fidélité à la ligne partisane (celle de l’appareil) s’est en outre posée dans le contexte particulier de la fin du quinquennat qui, comme l’a relevé notre camarade Fabien, a abîmée l’image du PS « à un point qui dépasse l’entendement ». Face à cela, chacun choisit sa posture : dans l’outrance à l’image de Jean-Luc Mélenchon qui veut le remplacer et qui parle de « bêtise » et de « manquements à la parole donnée », ou dans le déni comme ceux qui pronostiquent une future justice rendue par l’histoire au quinquennat de François Hollande. Mais dans tous les cas, c’est bien dans ce contexte particulier qu’il convient de juger les positions des uns et des autres, et celui-ci finit souvent par opposer raison contre raison, plus que raison contre tort. Ainsi quand Bernard Cazeneuve dit qu’on ne peut pas gagner en étant candidat d’un parti qui a gouverné « si on ne revendique pas le bilan pour s’y adosser et aller au-delà », il a entièrement raison… dans l’absolu. Mais en l’espèce, quand Benoît Hamon évoque une Bérézina dans son audience électorale à peine prononcé le mot « socialiste », et pire encore « parti socialiste », on ne peut que le rejoindre aussi quand il conclut que « objectivement, ça ne méritait sans doute pas ça, mais ça, c’était la réalité politique ». Faut-il en déduire que l’élection était ingagnable ? De toute évidence oui, et ce quel qu’eut été le résultat des primaires.

L’autre sujet de friction porte sur le comportement des frondeurs durant le quinquennat. « Si c’est les frondeurs, si c’est cinquante personnes qui ont tué le quinquennat de François Hollande, ce n’est pas sérieux », assène Benoît Hamon. Même son de cloche dans la presse pour Aurélie Filippetti quand elle ironise sur les frondeurs qui auraient « tué la gauche à 35 ». Là encore, ce n’est pas si simple. En fait, il suffit de moins que ça encore pour fissurer une image de cohésion devenue cruciale pour un électorat déstabilisé par les effets dévastateurs de la mondialisation et en quête de perspectives (on en sait quelque chose à Camaret). Mais, d’un autre côté, que répondre à Benoît Hamon quand il ajoute que « la loi travail, c’est pas les frondeurs ; la déchéance de nationalité, c’est pas les frondeurs ; la loi Macron, c’est pas les frondeurs… » ? Dans ces conditions effectivement, ces derniers pouvaient-ils décemment garder leurs petits doigts sur la couture ? Deux lignes, encore et toujours ! Alors « qui est le tueur ? », insiste Serge Moati. Un peu tout le monde à l’image du « crime de l’Orient Express », hasarde Benoît Hamon. À moins que ce ne soit personne ! Vouloir trouver des coupables à tout prix est toujours le meilleur moyen de passer à côté des vraies causes. Objectivement, les deux « camps » sont restés fidèles à leurs visions respectives, et c’est bien le moins qu’on pouvait attendre d’eux. Là encore, nous avons payé nos atermoiements et notre refus de n’avoir jamais tranché entre « alternance » et « alternative ». De peur récurrente de perdre la moitié de nos adhérents, nous avons fini par convaincre les électeurs de renvoyer dos-à-dos les deux moitiés, du moins ce qu’il en restait, leurs attentes étant devenues trop critiques pour les brumes de l’entre-deux. Il est difficile de ne pas songer ici à la leçon prémonitoire de Machiavel : « jamais une guerre de s’évite, mais toujours se diffère à l’avantage d’autrui ».

Ainsi, les électeurs n’auraient pas su faire la part des choses, au grand désespoir de Fabien ? Ils n’auraient pas distingué les gentils frondeurs des méchants flagorneurs de la finance ? La leçon la plus évidente de ce scrutin a été le poids des appareils bien loin devant les personnes. Après le meeting de Bercy, le seul fait d’armes notable de la campagne Hamon, les choses se sont rapidement déréglées quand Macron et Mélenchon se sont détachés devant, laissant le candidat PS dans la Peine. Or, les deux se distinguent par un point commun : leur distance prise par rapport au PS. Pas avec le quinquennat (difficile en tout état de cause pour l’un d’eux), mais bien avec l’appareil du PS ! Certes, tous deux en proviennent. Mais c’est là que les propos de Bernard Cazeneuve résonnent d’une aura particulière : « Je ne sais pas si vous avez remarqué mais les théoriciens de la fin d’un cycle sont ceux qui ont fait toute leur carrière à l’intérieur du parti socialiste, qui avaient dix ans ou moins lorsqu’Epinay s’est produit, qui ont grandi au MJS ou au parti socialiste, qui grâce à cela sont devenus parlementaires, ministres et parfois apparatchiks, et je dirais même souvent apparatchiks, et qui a un moment donné, ayant pris leurs bénéfices et pensant qu’ils pourraient le prendre ailleurs en faisant autre chose, ont théorisé la fin du cycle. »

Qu’en est-il d’Emmanuel Macron ? L’opinion ne retient de lui qu’il s’est révélé dans l’orbite de François Hollande, pas dans celle du PS. Il a bien pris soin de ne prendre sa carte que le temps nécessaire a opérer ce rapprochement (de 2006 à 2009 selon le Figaro). Il a surtout évité les primaires organisés par le PS et a su par la suite attirer les défections qui ont fait défaut à Benoît Hamon. Jean-Luc Mélenchon a pour sa part une histoire plus longue avec le parti, mais il l’a quitté en 2008 et surtout depuis, il ne ménage pas ses flèches, quitte à s’accommoder de l’outrance en résonance avec l’opinion comme s’il avait compris qu’il devait se débarrasser à tout prix de ce péché de jeunesse. Et tous deux ont proposé une étiquette neuve. Face à eux, aucun ex-frondeur n’a été en mesure de se départir de son image « d’ apparatchik ». EM et FI ont par ailleurs su faire preuve d’habileté dans leur campagnes face à la routine du PS, comme l’a relevé Benoît Hamon : « les médias veulent à chaque fois de l’évènement, de la nouveauté, or Macron et Mélenchon arrivent comme des sous neufs, leurs projets respectifs sont découverts au fur et à mesure là où nous, déjà, tout à été mis sur la table ». Avec Le Pen en embuscade, il n’en fallait pas plus. « L’imposture fabuleuse de cette campagne » s’explique sans difficulté dès qu’on admet que la cible privilégiée de l’opinion n’était pas directement le quinquennat de François Hollande, à qui l’histoire rendra sans doute une relative justice, mais bien l’appareil du PS !

Mais qu’a donc bien pu faire ce pauvre parti pour en arriver là ? Observons d’abord que LR n’est pas non plus en grande forme. Il s’en sort tout de même mieux avec 100 députés contre 31 pour la « Nouvelle gauche », sur 577. C’est toujours plus que les 17 députés de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, mais ces derniers parviennent néanmoins à mieux se positionner dans l’opposition que tous les autres groupes parlementaires réunis. Il semble bien que les anciens appareils aient supporté l’essentiel de la vindicte populaire. Que leur reproche-t-on ? On pense en premier lieu au rejet du carriérisme et des apparatchiks qui ont « pris leurs bénéfices » sans offrir en contrepartie à leurs électeurs d’amélioration sensible de leur condition de vie. L’explication tient la route à première vue, mais il se trouve au moins un contre-exemple flagrant pour prendre à défaut cette analyse : celui de la ville d’Orange où une situation analogue aboutit au résultat exactement inverse. Il semble même que son maire y soit absout de tout pour peu qu’il se contente d’occuper le fauteuil afin de l’empêcher d’échoir aux appareils. On en revient toujours à eux. À ce stade, on songe alors aux propos dans le film de Jean Christophe Cambadélis : « Souvenez-vous bien, en 1969, nous avons une défaite majeure, Gaston Deferre (5,5%), et c’était pourtant avec Mendes-France ! 1971, moins de deux après, on refondait le parti socialiste, on passait de la SFIO au parti socialiste. Vous vous rendez-compte, on changeait le sigle qui avait été mis en place depuis 1905… ». Tout comme en 2017, Macron et Mélenchon changèrent le sigle mis en place depuis 1971 ! Tout ne serait alors qu’une simple affaire d’étiquette ?

Se serait évidemment trop simple. La logique d’un appareil, ce n’est pas uniquement d’offrir des débouchés alimentaires à ses apparatchiks. À la rigueur, les électeurs s’en accommoderaient s’ils y trouvaient leur compte. Le cœur du problème est que c’est aussi, et surtout, une logique auto-centrée. Le PS à fini par devenir un simple organe de communication de ses élus et dont la seule fonction était de valoriser leurs actions et ces derniers par ricochet. Advenait-il qu’une attente fut déçue ? La question n’était pas d’y répondre – encore moins quand on ne détenait pas la réponse – mais prioritairement d’en exonérer les élus, sources de financement public, ce qui passait trop souvent par de pompeuses exégèses pour expliquer en quoi l’attente était déraisonnable. La machine n’était pas simplement devenue inaccessible aux attentes. Elle avait fini par élever contre elles, afin de s’en prémunir, un rempart inexpugnable aux seules fins de protéger un fonds de commerce qui a lentement dérivé à des années-lumières des rêves d’Epinay. C’est ce que les électeurs ont compris, et ils ont attaqué la muraille à coup de bélier. Voilà pourquoi, cher Fabien, les frondeurs ont pris cher. Car seuls ceux qui ont eu la présence d’esprit de quitter à temps la place forte pour rejoindre l’assaillant ont trouvé grâce à leurs yeux. Ceux qui sont restés à l’intérieur, même animés des meilleurs intentions, sont surtout restés imprudemment dans la ligne de mire des catapultes.

Une fois ceci admis, la réception critique s’impose face aux verdicts éléphantesques teintés d’amertume mal placée. Ainsi quand Stéphane Le Foll s’indigne que « pendant cinq ans, on a été mis dans l’incapacité de pouvoir valoriser ce qu’on a fait, parce qu’on a avait une critique de l’intérieur… », une écoute superficielle pourrait passer à côté du double fond dangereux de ce postulat. En ne retenant que la critique adressée aux frondeurs, on passerait volontiers à côté du mot-clé « intérieur » qui trahit l’invocation directe de l’entre-soi. Même son de cloche pour Bernard Cazeneuve : « Il faudrait que [le PS disparaisse] Et bien moi, je n’entends pas laisser faire cela. Cette famille, qui est la famille de Blum, qui est la famille de Jaurès, qui est la famille de Mendes, qui est la famille de François Mitterand, qui est la famille de Jospin, je n’entends pas la voir fermer ses portes et je n’entends pas qu’on l’abandonne sous prétexte qu’il y aurait la mode d’un printemps qui nous aurait fait oublier d’où on vient. » Six fois le mot « famille » dans la même phrase !! Et pour enfoncer le clou, la référence à « d’où on vient » circonscrit des limites quasi tribales à l’entre-nous. Non, Monsieur le Premier ministre, le problème n’est pas d’où on vient, mais où nous allons. Et pour l’heure, c’est nulle part, faute de pouvoir fédérer ceux qui viennent d’ailleurs. Fabien le soulignait à juste titre : « …si c’est pour faire un congrès du parti socialiste avec 40000 adhérents, entre nous, ça ne sert à rien ». Et même à moins que rien à la lecture des premières explications des « forums de la refondation » sur le site du PS : « Les propositions les plus soutenues et les plus récurrentes feront l’objet d’approfondissements lors des conventions thématiques en 2018 et lors du Congrès ». En clair, exit les idées originales par défaut de ressassement, en même temps que celles des ex-camarades lassés d’avoir eu en leur temps trop à dire dans le désert. Cette « refondation » usée jusqu’à la corde se profile en plus, pour cette nouvelle mouture, sur un sol marécageux.

Alors quid pour demain ? « Un nouveau Mitterrand ? » Demande Serge Moati en guise de conclusion. Sauf qu’aux dernières nouvelles, on n’a pas ça en stock. En plus, comme le souligne Fabien, « la gauche elle est plurielle, elle est diverse, elle débat, elle a toujours du mal à se choisir un leader ». Il est vrai que le mythe de l’homme providentiel serait plutôt de droite. Mais surtout, il faut prendre en compte qu’un homme providentiel, pour aussi hypothétique qu’il soit, n’est rien hors du contexte qui l’a vu apparaître. Nous en avons un exemple flagrant en la personne d’Emmanuel Macron, Président improbable entièrement porté par les circonstances. Le contexte de 1981 n’est pas celui de 2017, loin s’en faut. Le documentaire met en exergue, comme un appel, cet extrait de François Mitterand à Epinay en juin 1971 : « Celui qui n’accepte pas la rupture (la méthode, ça passe ensuite), celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi (politique, cela va de soi, c’est secondaire), avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste ». À cette époque, le futur Président traçait un cap, la rupture avec la société capitaliste, qui a permit à toute la gauche de se structurer autour. C’est ce que j’appelle un cap structurant. Voilà ce qui manque aujourd’hui. Il ne suffit pas, loin s’en faut, d’un homme providentiel juste pour l’énoncer. François Mitterand n’aurait jamais pu proposer un tel cap si ce dernier ne se trouvait déjà présent dans l’opinion, prêt à germer. Et cette présence était le fruit de décennies de travaux de penseurs et d’intellectuels. Aujourd’hui, la finance triomphante les a mis à terre, voire en terre. En 2017, même François Mitterrand n’aurait eu les moyens de mobiliser la gauche.

Le cap structurant, voilà ce qui est est à ré-inventer, ou plutôt à redéfinir, car son socle est toujours le même : la rupture avec la société capitaliste. J’ai suffisamment développé dans ce site d’éléments à l’appui de cette évidence (pour rappel, l’anticapitalisme n’est pas nécessairement une posture de « grand soir », cela peut être aussi, et surtout, une optique évolutive). Mais comment faire ? Attendre la lumière divine du prochain congrès ? c’est plutôt mal parti. Celui-là ne parvient même plus à offrir l’illusion du fétu de paille habituel auquel on s’accroche désespérément à chaque déculottée : nouveau sigle, nouveau congrès, nouveau sauveur… Le dernier en date s’appelait Emmanuel Macron. Rappelons-nous : pendant la campagne, celui-ci était très loin de collecter dans les rangs de la gauche des enthousiasmes énamourés comme ceux de l’actuel porte-parole de la présidence. Non, c’était plutôt des « …et tu ne penses pas que quelqu’un comme Emmanuel Macron… ». À chaque fois que je me suis surpris à espérer, à la faveur d’une déroute, voir enfin s‘ouvrir une réflexion féconde, toujours un de ces maudits fétus de paille est venu pour me dire « ce n’est pas encore pour cette fois » ! Cette fois, peut-être…

Les causes profondes du désastre peuvent en définitive se résumer facilement en une phrase : nous avons juste perdu de vue que la première raison d’être d’un parti politique était tournée vers l’extérieur et non vers l’intérieur. Il ne mobilise au-delà de ses rangs qu’en ouvrant des perspectives pour la société, en proposant un cap structurant à son camp. C’était vrai pour la SFIO, c’était vrai pour le parti d’Epinay. La seule question est donc : quel cap structurant pour 2018 ?

Un cap structurant de gauche en 2018 ne peut que vouloir se réapproprier une Europe démocratique pour s’armer face la mondialisation, à Trump et à Poutine, la reprendre aux technocrates faces aux identitaires ;

Un cap structurant de gauche en 2018 proposera une réponse sociétale à la fracturation communautaire, aux dérives sécuritaires et à la menace islamiste ;

Un cap structurant de gauche en 2018 proposera une réponse sociétale au déclassement des laissés pour compte de la mondialisation ;

Un cap structurant de gauche en 2018 proposera une réponse sociétale au déclin de l’industrie et de l’éducation ;

Un cap structurant de gauche en 2018 expliquera aux parents quelle voie sociétale permettra à nos enfants de vivre mieux que nous dans le monde qui sera le leur, et non l’inverse comme cela se profile aujourd’hui.

Face à de tels défis, comment s’étonner que la loi travail ou la déchéance de nationalité n’aient fait rêver personne ? Et dire que le congrès qui s’annonce n’apportera que déception est un euphémisme. Alors que faire ? Le champ des possibles se trouve singulièrement réduit. Il ne reste plus guère que l’action locale. Dans le PS ou en dehors ? Ce n’est qu’une simple question de forme. La forme, ça viendra plus tard, aurait dit Mitterand. Plusieurs années après avoir mis mes idées en ligne m’ont amené à m’interroger sur l’étrange passivité observée autour de moi. Une chose m’a frappé auprès des militants et des sympathisants de gauche, c’est leur propension à privilégier la forme sur le fond. Je dis : « voilà ce qu’il faudrait faire… » et j’entends « …oui mais concrètement, on fait comment ? » – « peu importe, une association ou autre chose, on choisira la forme la mieux adaptée » – « Une association ? Ah, non, ça a déjà été fait ! ». Stupeur. Et… alors !? Militer aussi, ça a déjà été fait. Doit-on arrêter pour autant !? Un de mes amis, m’ayant complimenté pour mes écrits, a eu ce commentaire : « …mais ça ne change rien ». Évidement que ça ne change rien. On a jamais vu un écrit changer quoi que ce soit par lui-même. Le cas échéant, il a servi de point d’appui idéologique a des femmes et des hommes décidés à bouger les lignes. Sans eux, aucun changement n’est possible. Même le Capital de Marx aurait fini au pilon s’il n’avait répondu à une attente réelle des porteurs du mouvement au sein de l’Internationale. Des militants résolus, il n’est rien d’autre qui n’ait jamais pu changer quoi que ce soit.

Quels militants ? Au début nécessairement des penseurs, locaux évidemment, puisque le national a explosé en vol. Les « mains » viendront après, car elles attendent naturellement, en préalable, que les premiers soient en mesure de leur proposer un cap structurant susceptible de les mobiliser. Cela vaut pour toutes régions ou ces lignes pourraient s’aventurer. Pour ma part, je m’adresse naturellement à mon entourage géographique immédiat, soit le Nord-Vaucluse. Combien ? Juste assez pour dépasser le stade de la vue personnelle pour un consensus suffisamment crédible entre idéologues compétents. La forme viendra après, en jaugeant avantages et inconvénients de chaque option. J’estime ce nombre d’exégètes à une dizaine. J’ai déjà un convaincu à mes côtés. Il ne manque plus que huit cerveaux disponibles, de gauche évidemment, prêts à travailler à ce cap structurant.

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