Qui suis-je ?

Il y a bien des façons de se définir. Si je devais en choisir une, je me dirais « citoyen européen de nationalité française ». « Citoyen » d’abord, car je crois essentielle la primauté du lien social sur l’individualisme dévastateur que nous inflige la doxa dominante. Je suis bien au contraire convaincu que la clé de notre avenir réside dans le souci de tous accordé au bien public ; « européen de nationalité française » car mon pays est l’Europe et ma culture française. Je pourrais ajouter « de gauche » car, loin d’un « dépassement » fantasmé, je soutiens au contraire que le clivage gauche-droite constitue l’essence même de la démocratie. Sans doute doit-il cependant d’être redéfini, ce à quoi je m’efforce de contribuer.

Pour l’état civil, je suis né en 1961 à Fontenay-aux-Roses, dans les Hauts-de-Seine, de parents d’origine italienne comme ne l’indique pas mon nom d’origine slovène. Après mon service dans la Marine nationale suivi d’un parcours professionnel varié dans le privé, technicien, commercial, cadre dans une PME, je me suis établi en 2007 en Vaucluse, dans la maison que notre famille – surtout mon père en fait – avons patiemment bâtie de nos mains tout au long de ma jeunesse. Là, je suis devenu fonctionnaire territorial dans une collectivité locale : animateur multimédia, technicien informatique et enfin agent d’accueil France-services jusqu’à ma retraite en 2024.

Mon engagement citoyen s’est donc forgé parallèlement à mon parcours professionnel, né de mes interrogations sur l’état de notre société, ses maux et les moyens d’y remédier. J’ai été frappé, au fil des ans, par l’étonnante similarité des « préoccupations principales des français » dont les journaux se faisaient régulièrement l’écho : inflation, chômage, pouvoir d’achat, encore et toujours. Ils m’ont donné le sentiment de problèmes récurrents d’une génération à l’autre, toujours les mêmes, et toujours éloignés d’une solution invariablement annoncée : la sempiternelle « croissance » qui, alors comme aujourd’hui, ne semblait jamais suffire.

Et puis un jour me vint un déclic. Après avoir épuisé toutes les hypothèses d’un sursaut de croissance chaque jour moins probable, du moins dans les proportions requises, je songeai à la fable de la grenouille se voulant aussi grosse que le bœuf et à la vanité de cette quête. Sans le savoir, je venais de redécouvrir intuitivement un réflexe essentiel de la pensée que les antiques, comme je l’apprendrais plus tard, appelaient « l’étonnement philosophique » : ce simple étonnement candide qu’Aristote appelait « le début de la philosophie », cette soif naturelle de comprendre que manifeste simplement l’enfant qui dit « oh ! » en pointant du doigt l’objet de son étonnement. De nos jours, ce réflexe semble oublié, balayé par le poids d’une ignorance supposée, ou entretenue, et qui retient de poser cette simple question : pourquoi ?

Pourquoi ce besoin perpétuel de croissance ? Il était certes plus simple et plus confortable de suivre sagement la parole autorisée et d’admettre que c’était comme ça et pas autrement. Mais mon esprit logique butait sur un détail : si encore le besoin de croissance était chiffré en termes d’objectifs, par exemple « il nous manque 10% de richesse en plus pour vivre bien », cela aurait pu à la rigueur se comprendre. Mais comment expliquer ce besoin de croissance perpétuelle, sans autre but qu’elle-même ? On avait le sentiment que, peu importe en fait la richesse produite, il fallait juste que celle de l’année en cours soit supérieure à celle de l’an dernier, et cela perpétuellement. Point ! Étais-ce là la solution ? S’empiffrer toujours plus jusqu’à l’éclatement comme la grenouille ?

Je commençais à peine à entrevoir toute l’absurdité du système libéral qui nous conduit droit dans le mur. « Entrevoir » seulement car, ce soir de décembre 1996, j’étais encore loin de réunir la culture nécessaire à une pleine compréhension. Je décidai donc, quelques jours avant mon 35ème anniversaire, d’adhérer au Parti socialiste avec l’idée bien arrêtée de contribuer aux savants débats qui, j’avais la faiblesse de l’imaginer, devait rythmer la vie politique au sein d’un parti de gauche. J’ai eu par la suite tout le loisir de déchanter. Il devint évident au fil du temps que les priorités d’un parti politique – car rien n’indiquait que le PS fut à cet égard une exception – n’excédaient guère la prochaine échéance électorale.

Un moment vint pourtant où tout pouvait basculer : le « coup de tonnerre » du 21 avril 2002 qui vit à la stupeur générale l’extrême droite parvenir au second tour des élections présidentielles. Devant la débâcle, il était enfin question de débats internes à tous les échelons du parti sur l’état du monde et des remèdes à y apporter. Enfin ! Hélas, je restai vite pantois devant les salves de récriminations qui tinrent lieu de débat : manque de lisibilité, pouvoir au peuple, panne d’idées, responsables non sanctionnés, image du politique à renouveler, parti sans idéologie et coupé de la population (déjà !), discours d’énarque, langage d’initiés, pas de vision, société éclatée, redonner du sens et non simplement gérer (là, j’étais plutôt d’accord), émancipation intellectuelle (!), sentiment d’impuissance collective…, et j’en passe !

Je revois encore mon secrétaire de section qui, conscient de ma soif de débat frustrée, s’étonnait de mon silence au cours de ces échanges. Je lui expliquai mon trouble face à des propos très éloignés de mes réflexions et ma difficulté à trouver un angle d’attaque. J’eus alors une idée qui, je ne m’en doutais pas alors, se révélera lourde de conséquences par la suite : je lui proposai de jeter sur le papier quelques bases de réflexion à soumettre lors d’une prochaine réunion de section, juste pour surmonter l’obstacle de l’accroche. Hélas, les débats nés dans l’émotion tournèrent vite court. De mon côté, je découvrais l’ampleur de la tâche d’écriture et, une idée en appelant une autre, j’étais loin d’être prêt quand ils cessèrent. Mais je venais de mettre le doigt dans un engrenage dont je ne sortirais plus. Happé par une production boulimique que j’alimentais, faute d’échanges formateurs, par une instruction autodidacte, je parvins avec le temps à trouver les réponses à toutes mes questions et à dégager enfin un cap politique de gauche cohérent.

En 2007, j’ai quitté ma ville natale pour le Vaucluse. J’y ai connu ma première, et unique à ce jour, expérience de conseiller municipal. J’ai aussi participé activement pendant quatre ans à la tenue du Café Citoyen d’Orange, où l’on débattait chaque mois de sujets variés. Au cours de ces expériences, j’ai pu apprécier nombre d’obstacles à l’implication citoyenne dans la marche du monde : la désillusion, souvent, le sentiment de déconnexion attribué aux formations politiques focalisées sur le succès électoral à court terme, le ravages de la « post-vérité », où se disputent les émotions au détriment des faits, mais surtout un profond sentiment d’impuissance qui pousse plus d’un à ne même pas vouloir comprendre la source de leurs maux : à quoi bon comprendre ce que nous ne pouvons changer ? Je tenais peut-être là un élément d’explication à l’absence de renouveau de la pensée politique, notamment de gauche, obnubilée par le débat électoral de court terme.

Je reste cependant persuadé qu’il existe encore une autre voie politique que l’abîme qui s’annonce, si la gauche se monte capable de surmonter son aversion aux changements. Je ne désespère pas de voir ce sursaut advenir et me tiens toujours prêt à participer à tout débat dans ce sens. En attendant, j’ai synthétisé le fruit de mes réflexions dans de courts textes que je me efforcé de rendre le plus fluide et accessible possible, disponible dans ce site web paulvicich.fr. Bonne lecture.

12 mars 2017, actualisé le 30 juillet 2023.